GCD : Bonjour Mike, vous êtes ambassadeur du Grand Carnaval de Dakar, pourriez-vous avant d’aborder votre rôle nous parler de vous ?
Je suis créateur designer, les gens me connaissent surtout comme créateur de mode, mais ce que j’ai toujours voulu faire, c’est de rassembler les personnes avec lesquels je collabore depuis une trentaine d’années en leur donnant les outils pour se développer, avec la possibilité de créer des passerelles entre les cultures.
Je suis aussi musicien, compositeur pour le théâtre, pour la mode, pour les poètes slameurs. J’ai par exemple conceptualisé un projet appelé le « Slam Opéra » avec différents slameurs venus participer à ce projet. Pour les conteurs, j’ai monté un festival, « Histoire de dire », un évènement qui m’a beaucoup plu et qui m’a interpelé sur le milieu de l’oralité. En libérant la parole et en donnant les moyens aux personnes de s’exprimer, je me retrouve dans cette dynamique, sortir de ma source pour aider l’humain à aller vers l’universel.
Comme styliste designer où j’exerce depuis des années, je travaille à partir du cuir, une matière de prédilection avec laquelle j’ai la possibilité de porter des messages en allant vers le côté contemporain de l’Afrique. J’ai toujours essayé de faire en sorte que la mode soit enrichie d’autres disciplines artistiques pour la proposer comme spectacle en conceptualisant l’évènement pour que les messages soient mieux perçus et mieux compris, comme avec mes défilés. Ainsi j’ai pu enrichir mon concept le « Baïfall Dream », la personne « fall » étant celui qui met en place, un concept qui consiste à permettre à l’être humain de donner sa valeur au sens humain, cela m’a aidé à réunir des gens de milieux, de cultures différentes et de pouvoir travailler ensemble dans un esprit d’art total.
J’aime bien travailler avec des artistes pluri disciplinaires, pour porter une dynamique de pensée, de messages ou de façon d’aborder les questions liées avec une société actuelle très contemporaine, très avant-gardiste aussi bien dans le milieu de la mode, de la musique, de la peinture ou de l’art vivant. Nous pouvons ainsi faire passer des messages productifs mais surtout utiles, j’aime travailler dans un esprit d’utilité.
GCD : Vous parliez de pluri disciplinarité en vous référant au slam, aux contes, or la thématique de cette 2e édition « Contes et Légendes du Sénégal et d’ailleurs » s’y rattache, quel est votre regard par rapport à ce choix ?
Cette thématique doit nous enrichir, les messages portés par le conte libèrent l’esprit de la créativité. Mais la thématique du conte va avant tout permettre aux personnes présentes de mieux appréhender notre culture. En effet, l’Afrique mystiquement parlant est très codée, beaucoup de contes, d’histoires n’ont pas encore été révélés au grand public comme les contes d’initiations par exemple. A travers les contes, les histoires, les légendes nous pouvons connaitre les coutumes, les mœurs d’une culture, où l’oralité porte la transmission, c’est d’une importance primordiale.
Le conte possède de multiples signifiants, celui de transmettre, de porter des messages cachés, pour aider, pour construire, pour s’enrichir intérieurement et même pour développer tout un art de vivre. Il permet aussi de connaitre notre histoire, la richesse de notre culture à travers le filtre des différentes ethnies, il est aussi un outil permettant d’aborder certaines questions pour apaiser, pour construire un esprit de paix et de constructivisme culturel que l’on peut faire évoluer avec une approche plus actuelle, plus contemporaine.
Nous pouvons nous appuyer sur cette thématique pour vendre la destination Sénégal, où à travers le monde les contes sont généralement perçus comme étant un vecteur de compréhension, de bienfaits et de connaissances, où ceux-ci nourrissent l’imaginaire.
GCD : Avec votre art vous êtes aussi un des ambassadeurs du Sénégal à travers le monde, comment vous appropriez-vous cette fonction ?
Je fais partie des artistes en mesure de poser des actes avec une approche patriotique. J’ai toujours essayé de promouvoir mon pays, de montrer la meilleure partie de ma patrie. J’aime bien poser des actes concrets, utiles et qui peuvent éventuellement être perçus comme étant un moyen pour vendre la destination Sénégal, car mon pays regorge de talents, de créativités, de connaissances utiles à l’humanité.
Je travaille dans un esprit d’universalisme, en tant qu’artiste contemporain, jouer mon rôle d’ambassadeur avec des approches stratégiques comme la création d’une télévision destinée à la diaspora sénégalaise, qui se décline comme une vitrine de la culture du Sénégal et de sa diaspora.
Ce à quoi j’ai toujours cru, c’est qu’il existe une passerelle entre le Sénégal et le monde et inversement. J’ai toujours travaillé pour que les gens qui méconnaissent le Sénégal le perçoivent comme étant un pays de paix et d’ouverture. A ce propos nous avons beaucoup travaillé pour que la diaspora puisse investir au pays et participer ainsi à son développement, en donnant par exemple aux jeunes les moyens de participer activement à l’évolution du digital afin que cela puisse être profitable à notre pays.
Le Sénégal a besoin de sa diaspora sur tous les plans, c’est la raison pour laquelle qu’en tant qu’ambassadeur du Grand Carnaval de Dakar, il me semble pertinent que la diaspora s’implique totalement. Nous devons trouver les outils sur lesquels nous pourrons nous appuyer pour amener et donner de la lisibilité au Carnaval, pour que cet évènement puisse décoller réellement, qu’il soit perçu comme incontournable. Il est déjà inscrit dans l’Agenda culturel et touristique du Sénégal mais l’objectif, est qu’il le soit dans le calendrier culturel et touristique international, et montrer ainsi que l’Afrique fait partie intégrante de l’évolution culturelle planétaire.
GCD : Les touristes visitent beaucoup de pays pour participer à des évènements culturels, que ce soient des festivals, des carnavals, de grandes expositions, découvrir le patrimoine où des spécificités régionales, doit-il en être de même pour le Sénégal ?
Évidemment, le Sénégal est connu pour sa gastronomie, pour ses belles plages, pour l’esprit d’accueil de ses habitants : l’esprit de la Teranga qui y règne est ancré dans notre culture. Mais le Sénégal est aussi une terre spirituelle, une terre de bonté, de générosité, de traditions multiculturelles riches et variées que les carnavaliers pourront d’ailleurs découvrir lors de cette 2e édition du Carnaval.
Cet évènement doit donc grandir, être reconnu, tout le pays y trouverait son compte. C’est tout le travail qu’entreprend Fatou Kassé-Sarr avec talent, persévérance et professionnalisme et je viens en tant qu’ambassadeur y apporter ma contribution.
GCD : Nous avons longuement échangé, une dernière question, rappelez-vous d’un conte ou d’une légende qui vous a marqué durant votre enfance ?
Oui bien sûr, les contes d’Amadou Koumba où les histoires de Leuk le Lièvre. Je me souviens de ces moments privilégiés de transmission avec nos grand-mères, nous berçant avec leurs histoires et ces mythes qui nous faisaient comprendre que le conte faisait partie de notre culture, partie intégrante de ce que nous sommes.
Ces évocations me ramènent à ces beaux rêves que l’on a eu l’occasion de faire étant gamin où nous espérions toujours que notre grand-mère nous conte une histoire qui ne finisse jamais, qui nous faisait toujours retourner des mots ou des phrases avec une chanson à l’appui, des moments qui nous amenaient à réfléchir, à être en phase avec notre identité, à être proche de notre esprit de famille. Les contes en fait, nous permettent de rester nous-même avec cet esprit d’ouverture qui nous caractérise.
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